lundi 9 février 2015

Prise de rendez-vous prise de tête

Moi : "Cabinet médical bonjour."
Patient : "Oui, bonjour, est-ce qu'il serait possible d'avoir un rendez-vous en urgence pour aujourd'hui?"
Moi : "Bien sûr, il me reste des créneaux d'urgence, mais je vous prévient ce sera pas avant 20h45."
Patient : "Vous avez pas avant?"

La prise de rendez-vous par téléphone est un acte tout à fait basique. Normalement, cela prend moins d'une minute. Et pourtant il arrive (souvent) que ça vire à la prise de tête, pour les raisons suivantes:

Il y a le patient qui appelle pour prendre rendez-vous, mais qui n'a pas pris la peine de consulter son emploi du temps avant, et n'a aucune idée de quand il pourra venir au cabinet.

Il y a celle à qui vous proposez un horaire (qui lui convient parfaitement), mais, quand même, "vous avez quoi d'autre sinon?". Et là vous lui récitez la liste des 25 autres créneaux disponibles dans la journée, jusqu'à ce qu'agacée, elle vous coupe la parole avec un "non mais 10h15 ça ira".

Il y a ceux qui appellent pour une consultation le jour même et qui se cassent le nez car il n'y a plus de place. Lorsque vous leur dites, ils vous gratifient d'un long silence. Parfois un très long silence. Une fois j'ai même eu droit à ce silence pendant près de 30 secondes. C'est le silence qui veut dire: "je vais attendre qu'il cède et me propose quand même un rendez-vous aujourd'hui, même si je sais qu'il n'y en a pas."

Une phrase qui revient souvent lorsque la patiente n'obtient pas un rendez-vous le jour même, c'est "Ah oui? et je fais comment moi?". C'est la phrase la plus agaçante qui soit. Je réfléchis à peut être leur donner les coordonnées d'une assistante sociale. Pour l'instant je réponds toujours la même chose: "Alors lorsque le cabinet que vous appelez est déjà complet pour la journée, vous en appelez d'autres pour connaître leurs disponibilités. Si les autres sont également complets, élargissez votre périmètre de recherche ou essayez SOS médecin. Si cela n'aboutit pas, alors dirigez vous vers les urgences."
Cette stratégie a l'inconvénient de souvent dégénérer en:
"C'est lui mon médecin traitant je ne vois pas pourquoi j'irais en voir un autre! (donnez moi donc un rendez-vous)"
"Je vais pas aller aux urgences pour ça! (donnez moi donc un rendez-vous)"
"Je vais pas attendre demain, elle vomi tout le temps! (vous pourriez avoir sa mort sur votre conscience, alors donnez-moi un rendez-vous)"
"Je suis cliente quand même! (c'est moi qui vous fait vivre, donc donnez-moi un rendez-vous)"

Au final, lorsqu'on me sort ce petit "Et je fais comment, moi?", je sais très bien que la personne va refuser en bloc tout ce que je vais lui proposer, et qu'elle n'attend qu'une chose, que je lui propose l'impossible.

Mise en situation

Le palme de la conversation épuisante pour la secrétaire médicale, c'est quand la jeune maman utilise toutes les armes dont j'ai déjà parlé, dans la même conversation, et c'est très fréquent.

Moi: "Cabinet médical bonjour."
Patiente : "Oui bonjour, est-ce que le docteur pourrait voir ma fille, elle tousse depuis hier soir?"
Moi : "Malheureusement je n'ai plus de place aujourd'hui."
Patiente : "Même pas en urgence? Elle dort pas et elle vomit partout (j'amplifie les symptômes et vous aurez sa mort sur la conscience)"
Moi : "Je suis désolé tous nos créneaux d'urgence sont pris."
Patiente : "Même pas entre deux? Elle a des boutons bizzares sur le corps. (elle est mourante et si vous refusez vous êtes un monstre)"
Moi : "C'est impossible, navré."
Patiente : Long silence.... (peut-être que si je l'assomme de mon silence il finira par céder)
Moi : "Allo?" (Je sais qu'elle est toujours là mais je n'ai pas que ça à faire que d'écouter du silence téléphonique)
Patiente : "Oui ?" (c'est bon je l'ai mis K.O avec mon silence?)
Moi : "Comme je vous ai dit, malheureusement je n'ai pas de rendez-vous à vous proposer pour aujourd'hui."
Patiente (impatiente) : "Ah oui, et je fais comment moi?!" 
Moi : "Essayez les autres cabinets du coin."
Patiente : "Non, de toute façon les autres médecins ne prennent que leurs propres patients."
Moi : "Essayez les cabinets de ville alors, parce qu'ici à la campagne c'est vrai qu'ils sont tous débordés."
Patiente : "Bon alors donnez-moi les numéros de médecins qui ont de la place."
Moi : "(j'ai perdu ma boule de cristal...) Regardez dans les pages jaunes, je suis sûr qu'à Marne-la-Vallée (à 25 minutes de route) vous allez trouver."
Patiente : (s’esclaffe)"C'est ça oui, vous voulez pas que j'aille à Paris non plus tant que vous y êtes?!"
Moi : "Allez aux urgences alors..."
Patiente : "Je vais pas aller aux urgences pour ça et attendre 4h pour voir un médecin!"
Moi : "Ecoutez Madame, je vous ai proposé toutes les solutions possibles, aucune ne vous convient et on tourne en rond. Ca fait presque 5 minutes que je suis au téléphone avec vous et je pense qu'il est temps de raccrocher."
Patiente : "C'est ça oui!" (elle raccroche, enfin)




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